LA LIGNE SOLAIRE d’Ivan Viripaev – traduction française disponible

 
LA LIGNE SOLAIRE [Солнечная линия]
comédie d’Ivan Viripaev (2015)
traduction Tania Moguilevskaia & Gilles Morel

 
[…]

Silence.

WERNER. – Mais je sentais que je n’étais pas encore prêt. Je sentais que je le voulais, mais que, ce n’était pas encore pour tout de suite. Et là maintenant, j’ai soudain, senti que je crois, que je suis prêt. Parce que, quand le crédit ne te pèse plus sur les épaules, respirer devient plus facile et on peut commencer à réfléchir à perpétuer son lignage. Que notre petit entre dans ce monde, libéré du crédit de ses parents.

Silence.

BARBARA. – Le papillon bleu a décollé de la fleur rose et a volé exactement le long d’une ligne solaire. Et c’est précisément cette ligne solaire qui faisait cette séparation, ce trait, ce mur qui divise en deux mondes absolument différents ma vie et celle de l’autre. Et le papillon bleu vole exactement, exactement le long de la ligne solaire. Exactement, exactement le long de la ligne. Exactement, exactement.
WERNER. – Je ne doute pas que tout au fond de ton âme, tu veuilles le meilleur.
BARBARA. – Exactement, exactement.
WERNER. – Mais tu veux que ce « meilleur » soit d’abord pour toi. Au pire des cas, tu envisages que j’en profite presque autant que toi, mais c’est toi qui as décidé, ce qui doit être bien, et comment, pour que ce soit mieux pour toi.
BARBARA. – Un jour tôt le matin, quand tu dormais encore, j’étais assise au bord du lit et je te regardais. Et soudain, le soleil s’est levé. Et les rayons de soleil ont inondé toute notre chambre à coucher, et un rayon de soleil s’est reflété dans le miroir près du lit, sa trajectoire s’est brisée pour se placer exactement, exactement au milieu de ton torse, Werner. Exactement, exactement au milieu. Avec cette ligne, le rayon de soleil a exactement divisé ton torse en deux parties. Pile entre les reins, parce que tu étais allongé sur le ventre. Et voilà, alors j’ai pensé, dans cet homme il y a deux parties. Une partie que j’aime, et une autre que je supporte difficilement. Comment je fais avec cela ? J’ai soudain, compris distinctement que les choses sont précisément ainsi. Deux moitiés, avec l’une je suis prête à fusionner, et l’autre n’est pas du tout, mais alors pas-pas du tout, compatible avec moi. Comment je fais ?

Silence.

WERNER. – Tu ne voudrais pas qu’on danse un petit peu ?
BARBARA. – Qu’est-ce que tu entends par là, Werner ?
WERNER. – J’entends par là une danse, chérie, imaginons qu’il y ait maintenant de la musique. Je t’invite.

Werner s’approche de Barbara et lui tendant la main, il l’invite à danser.

WERNER. – Barbara ?
BARBARA. – Werner.
WERNER. – Eh bien, allez, imaginons qu’on entende de la musique, Barbara.
BARBARA. – Alors imaginons que nous sommes déjà en train de danser.
WERNER. – Ok, alors imaginons cela.

Werner s’assoit à la table en face de Barbara.

WERNER. – Imaginons. On entend de la musique et nous dansons.

Silence. Un long silence. Werner et Barbara se taisent longuement, longuement. Et soudain, presque simultanément ils commencent à sourire. Sur les deux visages, apparaît un sourire, ils rient presque. On peut même dire qu’ils rient.

Texte traduit en 2018 avec le soutien de la Maison Antoine Vitez, Centre international de la traduction théâtrale

 

 

henschel

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